PLASTIFICATION : Pourquoi ce titre ?

Le polymère est une macromolécule qui fait des dégâts. Il se décompose sous des formes microscopiques. D’innombrables espèces ingèrent du plastique au quotidien. Par conséquent, les macromolécules de polymère entrent dans la chaine alimentaire. Les trois continents de plastique qui se sont formés dans les océans et qui ne cessent de s’étendre ne présagent rien de bon.

Une corrélation existe entre notre monde et le « surréalisme » que je retranscris dans cette série. Je bifurque vers un univers imaginaire créé par une plastification d’origine humaine. L’absence de l’humain y est pesante, pourtant il est omniprésent, lui le créateur, lui le dieu plasticien que l’on ne voit jamais et que nous soupçonnons d’être à l’origine de tout.

Sil artiste peintre
Animal Poly-mère. Photo Rv Dols

Les détails d’une série

Au début des années 2000, j’avais un ami qui naviguait et un cousin dans la marine nationale. Tous deux avaient fait le tour du monde à plusieurs reprises. Lors de nos rencontres, nous échangions sur leurs périples, le plastique revenait souvent dans la conversation. En juin 2002, j'ai fait des prises de vue sur le Surcouf, une frégate (F711) de la marine nationale. Après le repas à bord, j’ai constaté l’attention particulière que l’équipage apportait à la récolte des déchets et notamment du plastique. Dans un bref échange, le « Pacha » m’affirma que le plastique était un des enjeux des années à venir et que cette matière avait déjà un impact négatif sur les océans.

À la recherche d’un angle

J’ai commencé à rassembler des informations sur le plastique, une documentation conséquente, mes recherches s’orientaient vers la problématique environnementale générée par cette matière. Mon fantasme se voulait sans compromis. Je désirais réaliser un travail personnel sans finalité liée à une quelconque commercialisation. Mais j’étais toujours insatisfait du manque de rythme ou d’unité dans mes images, le rendu était trop coloré.

Le concept

En octobre 2002, je randonnais avec mon chien quand m'apparut cette vision onirique. Là, devant moi, l’irruption inattendue d’un animal en plastique, la gueule ouverte au vent. Explorer la création d’un nouveau monde aux frontières incertaines, fait de plastique, qui n’ai d’existence que dans mes pensées me convenait. Mon travail était de convoquer un imaginaire qui puiserait son essence au fond de nos réalités.

Toile peinture portrait
Le Prédateur. Photo Rv Dols

Pourquoi ce cadrage horizontal ?

À l’éditing, j’ai éliminé toutes les photographies verticales, elles n’avaient pas leur place dans la construction. Visuellement, ça cassait l’homogénéité de la série au premier regard.

Après la prise de vue

Je sauvegardais les fichiers RAW sur des disques durs externes. Je voyais le résultat mais, pour moi, c’est comme un premier jet. Je dois digérer et revenir plus tard dessus.

Combien as-tu fait d’images ?

Je ne sais pas. Pendant 20 ans j’ai récolté des images, beaucoup de photographies n’ont pas leur place dans cette série. Nous avons fait un tri avec un graphiste et un ami photographe extérieur au projet, nous nous sommes aperçus que chacun pouvait avoir une lecture différente, mais nous sommes parvenus à donner un ordre à la séquence qui est composée par 30 tirages 60x40 cm.

Pourquoi le noir & blanc ?

Les couleurs dissipaient le regard et déconstruisaient le propos, surtout dans la série PLASTIFICATION. Je voulais raconter une histoire, dans un univers comparable au nôtre et tellement différent. Le noir & blanc s’est imposé naturellement, cela me permettait de ne pas avoir de couleurs vives tout en gardant un aspect mystérieux et poétique.

Texte Eva Bermond photo Rv Dols : photojournaliste@oeilpaca.fr