Violaine Huisman

Violaine Huisman a deux romans à son actif ; « Fugitive parce que reine » (2018 Gallimard) et « Rose désert » (2019 Gallimard). Elle a reçu les prix Françoise-Sagan et Marie Claire du roman féminin. Elle nous entraîine autour de la vie de sa mère, un voyage dans des sentiments universels où la trajectoire personnelle de Violaine se confond dans l’émotion.

Violaine est la fille de Denis Huisman, universitaire, professeur de philosophie et de relation publique. En 2003, il créa l’école française du journalisme (EFJ), il a écrit une dizaine d’ouvrages sur la philosophie. Il est décédé en février 2021.

Violaine Huisman
Photo Rv Dols

Violaine présente son père comme quelqu’un d’extrêmement rigoureux dans ses études, dans ses pensées, dans son appréciation de la philosophie, c’était aussi un homme d’affaires, avec une vie dissolue, une personnalité fantasque aux multiples facettes. Il se maria quatre fois, sa troisième femme, Catherine Cremnitz, était la mère de Violaine. Ils formaient un couple où résidait une profonde divergence sociale et intellectuelle, deux personnages en totale contradiction, un terrain fertile pour la littérature.

Catherine Cremnitz fut hospitalisée en 1989, pendant de longs mois pour une dépression. Après se séjour, elle décida d’écrire un livre (Saxifrage). À l’opposé de Denis Huisman, elle n’affectionnait pas ce mode d’expression qu’elle considérait comme un exercice périlleux.

Violaine Huisman : « J’avais écrit un poème, mais pas dans le contexte qu’elle raconte dans son livre, ni à la date qu’elle dit. Elle a créé une fiction autour de ce poème. Pour moi, c’était très pertinent, très intéressant. Cette démarche m’a beaucoup interrogée, notamment le fait d’utiliser un élément du réel dans une perspective de fiction. »

C’est aussi cela la littérature, reprendre des éléments du réel pour construire une trame narrative logique. Les propos de Violaine laissent entrevoir des possibilités. « Saxifrage » serait-il le détonateur qui a provoqué cette explosion littéraire chez Violaine ? Quoi qu’il en soit, son père avait le savoir et sa mère les explosifs.

Violaine fréquenta le lycée Henri IV à Paris puis, elle suivit une première année en faculté de lettres et à 19 ans elle s’envola pour les États-Unis. Là-bas, elle poursuivit la deuxième année par correspondance et obtint une Maîtrise de Lettre Moderne.

À New York, elle travailla dans l’édition, elle traduisit des romans, collabora avec le théâtre BAM à Brooklyn, organisa des événements et des festivals pluridisciplinaires.

Sa mère vivait à Dakar à l’époque, c’est par téléphone que Violaine lut à Catherine Cremnitz l'intégralité de la première version de « Fugitive parce que reine ». La biographie romancée de sa mère se présentait sous la forme d'un monologue, mais Catherine fut bouleversée.

Un an avant le suicide de Catherine Cremnitz, Violaine s’était rendue au cimetière de Montfermeil pour les obsèques de sa grand-mère, en compagnie de sa sœur Elsa et de sa mère. Catherine Cremnitz trouvait le cimetière de Montfermeil lugubre. « Vous avez intérêt à ne pas me faire ce coup-là, ce n’est pas possible », leur lança Catherine. Elle voulait qu’après sa mort ses filles partent pour Dakar et que, d’une pirogue, elles répandent ses cendres à la mer.

Après l’incinération de Catherine Cremnitz, au retour du Père-Lachaise, les deux sœurs éprouvèrent d’énormes difficultés pour ouvrir l’urne récalcitrante. Elles finirent par transvider les cendres à la petite cuillère dans des petits sachets et renfermèrent le tout dans une boîte de thé. C’était il y a un peu plus de douze ans. L’éducation que leur inculqua leur maman comprenait un rapport aux situations de crises qui pourraient dérouter le commun des mortels. Les deux sœurs exaucèrent les dernières volontés de cette mère tant aimée.

Violaine Huisman : « Dans la vie, la difficulté de donner du sens aux décisions que l’on prend, de ce qui nous arrive, des hasards, des rencontres, c’est un immense bordel. Dans la littérature, il faut de la cohérence pour que le lecteur s’y retrouve. Il faut une structure narrative et la structure narrative ce n’est pas la vie. »

La nécessité de mûrir son premier roman s’est imposée, dix ans plus tard paraissait « Fugitive parce que reine ». L’histoire narre le point de vue de la mère de Violaine qui n’est pas forcément complaisante avec certains membres de sa famille.

Violaine Huisman : « Mon père était fier, très heureux, il avait encore sa tête mais il avait des absences ; pour lui, le fait que le roman soit publié chez Gallimard, c’était déjà une validation. »

« Mais ma chérie, Gallimard c’est l’Olympe. »

Apparemment, Denis Huisman fut sensible à la qualité du texte ; comment pouvait-il en être autrement ?

Violaine partit voyager en Afrique puis revint à New York où elle écrivit son second roman « Rose désert » qui est réédité aujourd’hui chez FOLIO.

Violaine faisait beaucoup d’allers-retours entre les États-Unis et la France pour voir son père en fin de vie. En 2020 à New York, la pandémie faisait rage, les écoles étaient fermées. D’imaginer que son père disparaisse et qu’elle ne puisse pas être présente devenait insoutenable pour Violaine. Elle décida de revenir habiter en France pour être près de lui. Mais ce qui primait pour elle, c’était le bien-être et l’éducation de ses deux filles de six et neuf ans. Son choix s’arrêta sur l’École expérimentale du domaine du Possible, à Arles. Violaine s’installa en Provence pas très loin du Château de Montauban où Alphonse Daudet a écrit ses fameuses lettres.

Son bureau, l’espace nécessaire de solitude et de travail, est à Marseille dans le quartier des Grands Carmes. Cette année, elle a traduit un roman à paraître chez une nouvelle maison d’édition qui va se spécialiser dans la littérature féministe et un essai philosophique sur la liberté de Maggie Nelson.

Violaine Huisman : « Marseille n’est pas un hasard. Je n’étais jamais venu dans cette ville que j’aime. Sa corniche me rappelle Dakar. Mon père a vécu ici quand il était enfant. Ma mère a vécu une vie épanouie ici. Mes parents se sont rencontrés ici. Tout se lie, chacun construit à mesure qu’il vit le récit de sa vie avec ce lien au hasard, aux coïncidences. »

« Rose désert » réédité chez FOLIO juin 2021.

TEXTE et PHOTO Rv Dols : photojournaliste@oeilpaca.fr

Gallimard
"Fugitive parce que reine" chez Gallimard
Gallimard
"Rose désert" chez Gallimard
Folio
"Fugitive parce que reine" chez FOLIO
Folio
"Rose désert" chez FOLIO

Violaine Huisman pour OEILPACA
Violaine Huisman photo Rv Dols